Conakry, 22 avril 2025 – Ce mardi, dans l’affaire opposant le leader politique Aliou Bah au ministère public pour offense et diffamation contre le Chef de l’État, la défense a tenté un exercice délicat : rappeler au juge qu’il existe encore, quelque part sous la poussière des codes, une notion appelée liberté d’expression.
C’est Maître Almamy Samory Traoré qui a lancé les hostilités juridiques, la robe noire gonflée d’indignation :
« Nous sommes très surpris, très déçus des réquisitions du parquet général. Nous avions estimé qu’en faisant lui-même appel et en demandant l’aggravation de la peine de M. Aliou Bah, qu’il se serait accroché des faits et des dispositions de la loi. »
Mais hélas, le ministère public semble s’être accroché à autre chose : cinq ans de prison, comme on sort un vieux disque rayé. Son argument ? Le cumul réel d’infractions justifierait de punir Aliou Bah avec la peine prévue pour l’infraction la plus grave. Sauf que Me Traoré, visiblement plus familier des articles du Code pénal que des effets spéciaux, démonte l’argument avec pédagogie :
« Pour lui, la loi spéciale devrait déroger à la loi générale. Sauf que cet argumentaire est tiré par les cheveux parce que les dispositions du Code pénal sont très claires : Une loi spéciale ne s’applique en présence d’une loi générale que lorsque les dispositions de la loi spéciale sont plus favorables à la personne poursuivie. Et dans ce cas précis, la loi de 2015 dont il demande l’application, qui prévoit une peine d’emprisonnement de cinq ans, ne peut pas s’appliquer devant le Code pénal, même si les faits étaient constitués. »
Autrement dit : on ne peut pas punir plus sévèrement quelqu’un sous prétexte que la loi la moins avantageuse est celle que l’on préfère aujourd’hui. Mais surtout, et c’est là que le procès atteint des sommets d’absurde, Aliou Bah n’aurait jamais cité le nom du président, selon son avocat :
« Il ne lui a jamais manqué de respect, il n’a jamais mentionné le nom du chef de l’État. »
On serait donc dans un cas de diffamation non nominative, une version guinéenne du « tu sais que c’est toi, même si je n’ai rien dit ».
Et alors que le spectre d’une campagne électorale (ou d’un référendum, ou des deux, selon l’inspiration du jour) commence à poindre, Me Traoré tire la sonnette d’alarme :
« Nous avons demandé aux juges de faire en sorte que leurs décisions n’enterrent pas la liberté d’expression. Que leurs décisions n’empêchent plus les leaders politiques de prendre position. Nous nous acheminons vers une campagne électorale… Les leaders politiques seront obligés de critiquer l’action gouvernementale… on a demandé aux juges de faire en sorte que leur décision protège la liberté. »