260 plaintes contre Alpha Condé, zéro justice : la procédure en mode avion

Conakry, 10 Mai 2025 – Où en est la justice sur les crimes commis sous Alpha Condé ? D’après Me Thierno Souleymane Baldé, la réponse tient en un mot : nulle part. « Depuis un certain temps, il n’y a absolument aucun acte qui a été posé », alerte-t-il dans un entretien accordé à Africaguinee.com. La procédure est à l’arrêt.

Le parquet roupille. Le tribunal de Dixinn attend son dossier comme on attend la pluie en saison sèche. Mais attention, ne vous y trompez pas : ce n’est pas une panne technique. C’est une panne politique. « Il faut nécessairement qu’il y ait une volonté politique », martèle l’avocat, qui a interpellé la présidence de la Transition, le Premier ministre, le ministre de la Justice et le parquet général. Résultat ? Du silence, en stéréo.

Pendant ce temps, les familles des victimes de la répression sous le régime Condé étouffent dans l’attente. Certaines ont vu leurs proches enterrés sous leurs yeux, sans justice, sans explication. Me Baldé raconte : « Personnellement, j’ai déposé plus de 260 plaintes pour des cas d’assassinat. Les personnes étaient enterrées devant moi. J’étais à côté de leurs parents lors de chaque identification avant l’enterrement. Ce sont des images que je ne pourrai jamais oublier. »

Mais dans une Guinée où la transition recycle les hommes du passé comme si de rien n’était, peut-on encore espérer voir un jour la justice rendre des comptes ? L’avocat n’est pas dupe : « Nous ne nous faisons pas d’illusions. Mais nous sommes prêts à mener ce combat. Quel que soit le sacrifice. »

Et ce combat, il inclut la possibilité de poursuivre Alpha Condé lui-même, aujourd’hui retiré mais toujours intouchable. « Mais bien sûr, il faut que cela se fasse. […] Si effectivement il y a un mandat d’arrêt qui doit être émis, il faudrait que ce soit avec un juge d’instruction. » Pas de vendetta, prévient-il, mais une justice équitable, encadrée, indépendante. Du moins, en théorie.

Mais la réalité guinéenne, elle, continue à marcher sur la tête. Ce sont parfois les suspects d’hier qu’on retrouve aux commandes aujourd’hui. Et l’impunité, elle, prend racine. « C’est cela justement qui est le terreau de tous les crimes et délits que nous connaissons », explique Me Baldé.

Il prévient : « Quiconque, une fois arrivé au pouvoir, pense qu’il va se maintenir en utilisant la violence et la répression, doit s’attendre un jour à répondre de ses actes. »

Bref, en attendant le sursaut, la Transition semble préférer les discours fleuris aux convocations judiciaires. Et la justice, elle, est toujours en mode veille. Avec un petit panneau accroché dessus : Revenez plus tard. Ou jamais.