Poignée de main froide : Bah Oury salue tout le monde, sauf Bernard Goumou… et les fantômes

Conakry, 10 Mai 2025 – Ce samedi au Palais du Peuple, alors que les chants patriotiques s’élèvent en l’honneur du régime militaire et de son champion en uniforme, une scène glaciale a traversé la chaleur des discours : Bah Oury, Premier ministre en exercice, a effectué un passage très remarqué… sauf par celui qu’il a ostensiblement ignoré. Son prédécesseur, Bernard Goumou, pourtant présent, bien installé et chaleureusement ovationné, s’est vu administrer une double dose d’indifférence.

D’après Mosaiqueguinee.com, Bah Oury est entré dans la salle des congrès à la tête d’une délégation étoffée, composée d’officiels du CNRD et de proches du Général Mamadi Doumbouya. Objectif de la journée : célébrer les « acquis » du régime et exprimer un soutien massif à la probable future candidature du chef de la junte. L’ambiance est donc à l’unité et à l’enthousiasme… sauf quand il s’agit de tendre une main à Bernard Goumou.

L’ancien Premier ministre a eu droit aux applaudissements de la salle, suite à sa présentation par le président de la CCIAG comme un « grand artisan de l’unification du secteur privé ». Mais dans le protocole très sélectif de Bah Oury, cette contribution ne semblait pas mériter un salut. Deux fois, le nouveau chef du gouvernement a contourné la loge où siégeait Goumou, saluant les personnalités une à une… tout en l’ignorant soigneusement, avec la précision d’un chirurgien du mépris.

Il faut dire que Bernard Goumou, avec son style discret et ses lunettes toujours bien ajustées, aura traversé la transition sans casser de porcelaine – ni déclencher de polémiques sur Twitter. Loin des envolées idéologiques de Bah Oury, l’homme avait su naviguer entre les dossiers économiques, les réunions interministérielles et les pannes d’électricité, le tout sans perdre son calme. Certains murmurent même qu’il avait réussi à faire travailler ensemble des patrons du secteur privé qui ne s’étaient plus parlé depuis la CAN 2012. C’est dire. À côté, Bah Oury arrive avec un CV politique long comme un discours de vœux présidentiels, mais dont l’efficacité gouvernementale reste, pour l’instant, au conditionnel.

Petit rappel : Bernard Goumou, nommé en 2022 en pleine phase d’hésitation transitionnelle, a été discrètement écarté en février 2024. Officiellement sans explication. Officieusement ? Trop tiède, trop effacé, ou simplement plus utile. C’est Bah Oury qui lui a succédé, dans une logique de rééquilibrage politique censée rassurer l’opinion et offrir au CNRD un visage plus articulé. Depuis ? Silence radio entre les deux. Et désormais, silence protocolaire.

Ce geste d’ignorance, dans une cérémonie censée célébrer « l’unité », en dit long sur les lignes de fracture toujours actives dans les cercles du pouvoir. En Guinée, on applaudit les anciens, mais on ne leur serre pas forcément la main.