Conakry, 14 Mai 2015 – À défaut de mieux payer ses fonctionnaires, l’État guinéen propose un autre plan de survie : ramasser les déchets pour manger. À Conakry, le plastique vaut désormais du riz. Un troc officiel, soutenu par le Gouvernorat, qui fait de la misère un outil d’assainissement urbain. Ce n’est plus une politique sociale, c’est un deal entre la faim et la saleté.
Baptisé “Riz contre déchets plastiques”, ce programme relancé par la Gouverneure de Conakry, la Générale à la retraite M’mahawa Sylla, prévoit que chaque citoyen·ne pourra apporter un certain poids de déchets plastiques pour recevoir, en échange, un peu de riz :
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8 kg de sachets plastiques = 5 kg de riz
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5 kg de bouteilles = 5 kg de riz
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30 kg de chaises = 5 kg de riz
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10 kg de bidons = toujours 5 kg de riz
Ce projet, qui sera lancé officiellement ce 15 mai 2025 dans la Commune de Matam, n’est pourtant pas une première. Il y a quelques années, le défunt gouverneur Soriba Sorel avait déjà instauré un troc similaire : pneu usé contre sac de riz. Aujourd’hui, on ne réinvente pas la roue : on la recycle – avec une touche de plastique.
La Gouverneure Sylla, elle, y croit fermement. Elle a appelé à une mobilisation collective :
« Cette campagne repose sur la participation active de toutes les couches sociales. Ensemble, faisons de Conakry une ville propre et agréable à vivre. »
L’objectif affiché est double : responsabilité citoyenne et valorisation des déchets. En surface, c’est une dynamique participative. En réalité, c’est surtout une économie de survie, qui fait de la pauvreté un moteur d’assainissement.
Pendant que les autorités louent l’engagement populaire, les véritables pollueurs — commerçants, importateurs, distributeurs de plastique à usage unique — restent intouchés. Le fardeau, lui, repose sur ceux qui n’ont ni salaire fixe, ni filet social, mais qui acceptent de porter 30 kg de chaises pour gagner un peu de riz. À ce niveau, ce n’est plus une campagne environnementale, c’est une stratégie de gestion de la misère.
On pourrait saluer l’initiative si elle s’accompagnait de mesures durables, d’une taxation des plastiques importés, de véritables investissements dans l’assainissement urbain. Mais en l’état, c’est surtout un projet où l’État délègue ses missions fondamentales à une population affamée, en espérant que la gratitude remplacera le service public.
Alors oui, Conakry sera peut-être plus propre. Mais à quel prix ? Dans cette ville, les ordures nourrissent mieux que les salaires, et l’écologie devient une affaire de survie.
