Le reggae guinéen a perdu ses ailes, mais pas sa voix. Depuis l’étranger, où il vit en « exil volontaire » pour fuir ce qu’il appelle « la dictature du CNRD », Élie Kamano, artiste engagé devenu opposant politique, est de nouveau monté au créneau. Et cette fois, il ne chante pas, il accuse.
Dans un message publié sur sa page Facebook, directement adressé au président de la transition, Mamadi Doumbouya, le president du parti PG SD affirme que son passeport guinéen aurait été signalé à Interpol par les autorités de la transition, dans le but de l’empêcher de voyager librement.
« Ma lutte est plus vieille que votre régime, écrit-il. (…) Vous avez signalé mon passeport dans le but de restreindre ma lutte et m’amener à prêter allégeance au CNRD. »
Pas de langue de bois, pas de détour. Kamano affirme que cette mesure serait une manœuvre politique pour neutraliser son engagement et museler sa voix. Et comme souvent dans les régimes où la critique dérange, c’est l’espace aérien qui devient un terrain de bataille politique.
L’artiste, visiblement ulcéré, poursuit :
« Je vous demande de vous contenter des nombreux artistes qui courbent l’échine auprès de vous et chantent vos louanges à tout bout de champ, en faisant l’apologie de la mal gouvernance. »
La punchline est servie, le message est clair : Kamano ne compte pas changer de refrain. Il promet de riposter si le signalement n’est pas levé. Quant à son avocat, Me Pépé Antoine Lamah, il aurait déjà saisi Interpol, qui reste, selon Kamano, « de marbre ». Pas un mot, pas un geste. L’artiste en appelle donc à l’opinion publique, et surtout à ce qu’il reste de justice dans cette transition qui promettait de « refonder ».
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le passeport devient une arme politique en Guinée. Avant Elie Kamano, un autre artiste, DjaniiAlpha, membre du FNDC et farouche opposant au troisième mandat d’Alpha Condé, s’était lui aussi plaint d’un signalement Interpol. Coïncidence ou méthode de gouvernance ? Les voix discordantes semblent sur écoute — et désormais sous surveillance internationale.
En attendant, Élie Kamano rappelle que le passeport est « une propriété de la République de Guinée, et non d’un régime ». Et dans une formule qui claque comme une rime de combat, il conclut :
« Nul ne peut restreindre l’audibilité de ma voix en restreignant la mobilité de mon corps. »