Conakry, 16 Avril 2025 – théâtre national de l’absurde. Depuis le 14 novembre 2024, Ousmane Diallo alias Gneloy, influenceur bruyant, défenseur musclé d’Alpha Condé et star des clashs patriotiques, a mystérieusement fondu dans la nature.
Non, il n’est pas parti faire une retraite spirituelle à Kassa, ni ne s’est exilé en streaming — il aurait été enlevé par des hommes encagoulés et armés jusqu’aux dents.
C’est sa mère, Hadja Rayhanatou Chérif Haïdara, qui brise le silence dans un pays habitué à avaler les disparitions comme des rumeurs de quartier. Elle a saisi Me Sidiki Bérété, avocat aussi tenace qu’élégant dans la plume, pour déposer le 7 avril une plainte contre X pour enlèvement, séquestration, abus d’autorité et autres joyeusetés qu’on sert d’habitude aux opposants… ou à ceux qui ont eu le malheur de trop parler.
« Mon fils, citoyen, père de deux enfants, a été arraché à Kobaya par des agents cagoulés. Depuis, c’est le noir total. »
Une mère sans nouvelles de son fils depuis cinq mois. Une épouse en attente. Deux enfants qui, peut-être, demandent encore chaque soir : « Papa rentre quand ? »
Derrière l’étiquette « Gneloy », il y a un être humain, une famille rongée par l’angoisse. Et dans une société où l’État fait parfois mine d’être introuvable lui aussi, l’absence devient une torture lente et injustifiable.
Où est Gneloy; mystère total. Même le parquet général, qui reçoit les courriers recommandés avec un soupir d’habitude, semble atteint de mutisme administratif. Peut-être qu’un jour, le droit prendra la parole, s’il retrouve ses lunettes dans les couloirs brumeux de la République.
Ousmane Diallo, dit Gneloy, c’est d’abord une voix. Une voix forte, cassante, tranchante parfois, qui a su électriser les réseaux sociaux au profit du pouvoir d’Alpha Condé. Soldat digital autoproclamé, il s’est imposé à coups de lives provocateurs, d’accusations frontales et de clashs bien huilés.
Il dérangeait, il fascinait, il exaspérait. Mais qu’on l’aime ou qu’on le déteste, il faisait partie du paysage.
Il ne s’agit plus de politique, ni de parti. Il s’agit de justice, de vérité, et d’un minimum de décence humaine. Ce pays a trop pleuré des disparus pour banaliser un de plus. En Guinée, même la disparition a son protocole. D’abord on nie, ensuite on accuse les ONG, puis on ouvre une enquête quand tout le monde est déjà passé à autre chose.
Mais cette fois, une mère n’a pas lâché, un avocat a parlé, et nous, nous écrivons.
Parce qu’il y a des silences qu’on ne peut pas laisser grandir. Même dans l’humour, même dans la satire, le respect de la vie humaine reste sacré.
