Conakry, 17 avril 2025 – Il est un peu plus de midi dans la salle d’audience exiguë de la Cour d’appel de la CRIEF, quand la voix fatiguée mais vibrante d’Amadou Damaro Camara fend l’air.
L’ancien président de l’Assemblée nationale n’en peut plus. Ni du temps qui passe, ni de la justice qui patine, ni de cette pièce dont il est devenu le protagoniste à son corps défendant.
« C’est vraiment une justice des vainqueurs. Je me suis plié à tout. C’est du dilatoire ! »
Depuis sa condamnation en première instance à quatre ans de prison et dix millions de GNF d’amende pour détournement de deniers publics et enrichissement illicite, l’homme attendait, espérait, rêvait peut-être, d’un procès en appel sérieux, bref et équitable.
Mais à la CRIEF, le temps n’est pas une donnée judiciaire : c’est une punition supplémentaire. Après plusieurs renvois, l’audience de ce jeudi devait, pensait-on, entrer dans le vif du sujet. Que nenni ! Ce sont cette fois les avocats de l’État qui ont demandé un nouveau délai pour préparer leurs plaidoiries. Et le juge Daye Mara, imperturbable chef d’orchestre de cette opérette procédurale, a renvoyé l’affaire… au 8 mai.
L’exaspération de Damaro a explosé en direct :
« Je suis malade, on renvoie ; je suis présent, on renvoie. Des avocats demandent un renvoi et partent voir leur famille, pendant que moi, je reste en prison. »
Puis vient la phrase qui claque comme une gifle à l’institution :
« Je préfère les faits à ce théâtre ! »
Ironie mordante quand on se souvient que cet homme fut longtemps acteur et scénariste des lois guinéennes. Aujourd’hui, il dénonce une mise en scène où la justice devient spectacle, et la procédure, une mascarade à huis clos.”
Le coup de grâce est lâché, sans fioriture :
« Je suis condamné à quatre ans. Si c’est pour réduire à trois, je suis sur le point de retirer mon appel. Je préfère purger les quatre ans que de me prêter à ce simulacre. Ce n’est plus un procès. »