Quinze mois après la nomination d’Amadou Oury Bah à la tête du gouvernement guinéen, Abdoulaye Kourouma dresse un bilan critique de sa gouvernance. Entre décisions unilatérales, recul du dialogue politique et incohérences dans la préparation des élections de 2025, l’ancien collaborateur de figures politiques majeures alerte sur les risques pour la stabilité du pays et appelle à un retour urgent au professionnalisme et au respect de l’autorité d’État.
PolitikOdrome.Com : Bonjour M. Abdoulaye Kourouma, merci de nous accorder cet entretien. Quinze mois après la nomination d’Amadou Oury Bah à la tête du gouvernement, comment analysez-vous sa gouvernance politique ?
Abdoulaye Kourouma : Avec toute son expérience et son parcours auprès de figures politiques majeures telles que feu Bah Mamadou, Siradjo Diallo ou Jean-Marie Doré, beaucoup espéraient que Bah Oury incarnerait une transition réussie, basée sur la convivialité, l’amitié et le succès. Malheureusement, nous constatons qu’il n’a pas réussi à instaurer un dialogue politique véritable, ce qui est pourtant essentiel pour assurer une stabilité politique durable.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement déçu dans sa gouvernance ?
Abdoulaye Kourouma : Ce sont surtout les décisions unilatérales qui me préoccupent. Une transition politique doit être fondée sur un consensus, un accord mutuel. Le dialogue avec les leaders politiques et d’opinion est la clé. Or, nous constatons un recul par rapport aux cadres de dialogue instaurés sous la transition précédente, notamment ceux mis en place par Gomou. Aujourd’hui, les décisions sont prises sans concertation, ce qui est très regrettable.
Faut-il comprendre que vous considérez la mission du Premier ministre comme un échec ?
Abdoulaye Kourouma : Je ne parlerais pas d’échec total, mais clairement, l’absence de dialogue, qui est l’essence même d’une transition, est problématique. Le dialogue est la base pour construire la confiance et l’adhésion nécessaires à toute transition politique réussie.
La présidentielle et les législatives sont annoncées pour décembre 2025. Pensez-vous que ce calendrier est réaliste ?
Abdoulaye Kourouma : La question du retour à l’ordre constitutionnel reste entière. Aujourd’hui, il n’y a même pas de constitution en place, ce qui rend prématuré tout débat sur les élections. Avant d’envisager un calendrier électoral, il faut d’abord adopter une constitution et établir un plan clair pour le retour à l’ordre constitutionnel. Par ailleurs, les annonces sur les dates d’élections se multiplient, parfois contradictoires, ce qui nuit à la crédibilité des autorités. Le président de la République, le porte-parole du gouvernement, puis le Premier ministre se succèdent dans les déclarations, sans cohérence ni respect de la hiérarchie. C’est là, selon moi, un autre signe de la faiblesse actuelle de la gouvernance.
Un dernier mot ?
Abdoulaye Kourouma : J’invite tout le monde à plus de professionnalisme et à ne pas banaliser l’autorité de l’État. Les paroles du président de la République doivent être respectées et appliquées. C’est fondamental pour la stabilité et la crédibilité du pays.
PolitikoDrome.Com : Merci beaucoup, M. Kourouma.